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jeudi 29 janvier 2015

Spoutnik: le Pearl Harbour spatial...

 A l'issue d'une harassante semaine de rencontres scientifiques internationales, une réception est organisée au soir du vendredi 4 octobre 1957 à l'ambassade d'URSS à Washington, DC.

Dans la foule hétéroclite de scientifiques, de diplomates, militaires, politiques, journalistes et autres espions venus de plusieurs pays, John Hagen, responsable du balbutiant projet spatial américain Vanguard, a encore en mémoire la déclaration faite en début de semaine par un des membres de la délégation soviétique Sergeï Poloskov, concernant l'imminence d'une mise en orbite d'un satellite par son pays.

Tout le monde est finalement joyeusement regroupé au deuxième étage de l'ambassade quand, à 18h, le journaliste Walter Sullivan du New York Times vient fébrilement chuchoter à l'oreille de Hagen: "it's up". En effet, l'agence Tass vient juste d'annoncer le lancement réussi de Spoutnik 1, le tout premier satellite artificiel de l'histoire.

Tous filent aussitôt sur le toit de l'ambassade dans l'espoir d'apercevoir l'engin, mais Spoutnik, petit ballon d'aluminium de 68 cm de diamètre et pesant à peine 100kg est bien évidemment indiscernable à l'oeil nu. On peut quand même entendre assez facilement son signal bip bip avec une radio.

Lloyd Berkner, le responsable de la délégation américaine, félicite courtoisement ses homologues russes. John Hagen, livide, tente lui aussi de faire bonne figure. Et à l'idée qu'un engin soviétique passe toutes les 96 minutes au dessus des USA sans qu'ils ne puissent rien y faire, les militaires américains présents sur place sont en état d'hyperventilation.

Au même moment, et donc en plein milieu de la nuit du 4 au 5 octobre 1957, Nikita Khrouchtchev est réveillé à Moscou par un appel téléphonique du père de Spoutnik, un ingénieur ukrainien nommé Sergeï Korolev, qui lui annonce depuis le Kazakhstan la réussite de l'événement.

"Très bien camarade Sergeï, xopoшó,  excellent travail". Et Khrouchtchev de se rendormir.

Sans mesurer le moins du monde l'amplitude du séisme qui vient d'être subitement déclenché outre-atlantique.

Spoutnik tournera ainsi tranquillement pendant trois mois, à 900 km au dessus de la surface terrestre, et en survolant plus de 2000 fois le continent nord-américain.

Aux USA, c'est l'hystérie. Il y a désormais pour eux un avant-Spoutnik et un après. C'est un deuxième Pearl Harbour, technologique celui-là. Car jusqu'ici et dans ce domaine, les américains ont toujours mené la course en tête loin devant les russes.

Le président Eisenhower, par ailleurs grand amateur de golf, est critiqué pour son inaction et certaines chansons lui suggèrent même ironiquement et en désespoir de cause, d'envoyer un satellite avec un de ses clubs de golf.

Spoutnik2, Laïka, et Pamplemousse.

Alors que John Hagen, sous pression, prépare activement pour le 6 décembre 1957 le lancement de la fusée Vanguard, ardemment lestée d'un satellite de 1,4 kg nommé Pamplemousse, Sergeï Korolev ré-édite son exploit historique même pas un mois plus tard, le 3 novembre 1957 avec le lancement réussi de Spoutnik 2, satellite de 500kg qui embarque le premier mammifère: la petite chienne Laïka, trouvée quelques temps auparavant errant dans les rues de Moscou.

Laïka est morte de stress et de surchauffe 7h après le lancement, donc bien avant la rentrée dans l'atmosphère de Spoutnik2 survenu 200 jours plus tard, mais elle a montré qu'on pouvait survivre à l'apesanteur.

Pour John Hagen, c'est enfin le jour J. De nombreux diplomates et journalistes du monde entier sont invités ce 6 décembre 1957 pour le lancement historique de Pamplemousse. Malheureusement, la fusée s'élève d'un petit mètre puis explose bruyamment en jetant des morceaux de Pamplemousse au pied du public. Khrouchtchev envoie ses sincères condoléances.

Pendant des années, l'histoire du spatial sera ainsi rythmée par la même kalinka:  succès soviétique grandissant d'un côté, toujours grâce à Sergeï Korolev: Youri Gagarine, le premier homme dans l'espace et dont ce fût d'ailleurs l'unique vol spatial, puis la première femme Valentina Terechkova, la première sortie dans l'espace en scaphandre, le premier survol lunaire,  la première photo de la face cachée de la Lune, dont tous les cratères ont donc depuis des noms russes, et de l'autre côté, une série d'échecs ou de demi-succès teintée d'une profonde humiliation américaine , jusqu'à ce qu'un certain Werner Von Braun, scientifique allemand récupéré du régime nazi après la seconde guerre mondiale, finisse par remettre de l'ordre et le spatial américain au premier plan.

Spoutnik, ton père oublié.

Mais qui se souvient de Sergeï Korolev ? Personne, car de son vivant, son nom a été volontairement effacé des registres.

A l'époque, le programme Spoutnik est officiellement le produit de l'union soviétique et non pas celui d'un obscur ingénieur ukrainien, fut-il génial et visionnaire.

Son nom n'a été rendu public qu'à sa mort en 1966, quand Leonid Brejnev, succédant à  Khrouchtchev, acceptera qu'on dépose ses cendres sur le place rouge, comme les autres héros soviétiques.

D'une santé déjà fragilisée par les tortures de son séjour en goulag de 1938 à 1940 par -45°C, puis par ses quatre années comme prisonnier chez l'avionneur Tupolev, Korolev, surdoué en maths et admirateur de Konstantine Tsiolkovski, l'homme qui avait établi en 1900 les premières équations du voyage spatial,  a toujours souffert de sa clandestinité forcée. Le monde entier admirait l'épopée Spoutnik, mais personne ne savait qu'il en était le père.

Lorsque Youri Garagarine revient sur terre après son vol historique en 1961 (et à des centaines de km de l'endroit prévu...), Khrouchtchev salue les idées de Lénine, et ignore Korolev.

Lorsque celui-ci développe, fait construire - avec d'ailleurs également un indiscutable talent de maître d'oeuvre, puis lance avec succès ses fusées R-7 et Semiörka, qui deviendront plus tard en étant améliorées les célèbres fusées Soyouz, encore utilisées de nos jours, c'est l'esprit du communisme qui fait grimper tout cela au ciel...

Et lorsque le comité Nobel demande à Khrouchtchev de révéler l'identité du père du programme spatial soviétique, il répond: "c'est le peuple soviétique".

Sa fille unique Natalia, aujourd'hui chirurgienne, et qui tient dans son appartement de Moscou un petit musée consacré à son père, précise qu'à l'époque, le KGB ira même jusqu'à lui trouver une doublure et pâle réplique scientifique, un certain Leonid Sedov.

Profondément blessé, Sergeï Korolev a définitivement rejoint les étoiles le 14 janvier 1966, toujours quasi anonyme et pratiquement sans un sou.


samedi 17 janvier 2015

Le 5e élément au Collège de France

A la création du Collège de France par François 1er en 1530, l'univers était supposé être constitué de quatre éléments bien raisonnables: la terre, l'air, l'eau et le feu.

Aujourd'hui, et après la leçon inaugurale que l'astrophysicienne Françoise Combes vient de présenter au public du Collège de France le 18 décembre dernier, on sait que les physiciens pensent qu'il en a en fait cinq, bien différents: Baryons, Leptons, Photons, Wimps et Quintessence...

Les trois premiers sont assez bien connus car les baryons (les particules lourdes comme le neutron ou le proton), les leptons (particules au contraire légères comme l'électron, le neutrino,etc..) et même les photons (les particules de lumière), sont étudiés depuis des années et ont livré plusieurs de leurs secrets.

Les deux derniers éléments en revanche, Wimps (Weakly interactive massive particles) et Quintessence, représentant respectivement matière noire et énergie noire, constituent à eux deux 95% de notre univers, mais on ne sait pour ainsi dire rien sur eux. Ils sont même une des principales énigmes à résoudre de nos jours en cosmologie.


Le 5e élément en particulier, l'énergie noire (ou sombre), n'est apparu que dans les années 2000 et permet d'expliquer dans les calculs l'expansion accélérée (et constatée)  de l'univers. Mais on ne sait quasiment rien de lui, si ce n'est qu'il représente nécessairement les trois quarts du cosmos...

La matière noire et l'énergie noire sont hélas bien plus complexes qu'un simple immense nuage de gaz sombre, comme le "sac à charbon", cette nébuleuse noire visible près de la Croix du sud.

A gauche un grand nuage noir: ce n'est malheureusement qu'un nuage de bonne vieille matière baryonique, des poussières opaques qui bloquent la lumière des étoiles situées juste derrière... (Nébuleuse sombre dite "du Sac à Charbon", à côté de la Croix du Sud)

Non, la matière noire, c'est autre chose, c'est bien plus subtil, et d'ailleurs, elle n'est même pas noire...

Mais alors comment peut-on supposer voire même affirmer l'existence de ces éléments s'ils sont à ce point mystérieux, énigmatiques et insaisissables ?

A cause des anomalies....

Il y a plus de 150 ans déjà, l'astronome français Urbain Le Verrier avait brillamment utilisé les anomalies de l'orbite d'Uranus, planète découverte par hasard 60 ans plus tôt au télescope, pour découvrir la lointaine Neptune, uniquement par le calcul et les lois de la mécanique céleste (après 900 pages de calculs à la main d'ailleurs).

Cette fois-là, l'anomalie précédemment observée fut magistralement expliquée par la présence d'une masse très importante et jusque là inconnue, située bien plus loin qu'Uranus: la planète Neptune.

Ce fut un triomphe pour Le Verrier qui tenta ensuite d'expliquer de la même manière une autre anomalie qu'il venait de déceler: celle de la rotation excessive du grand axe de l'orbite elliptique de Mercure, lors de ses multiples révolutions autour du Soleil. Un écart de 43 secondes d'arc par siècle avait en effet été constaté et demeurait inexpliqué. Sauf si une autre planète, qu'il nomma Vulcain, et située entre le Soleil et Mercure, venait encore jouer les trouble-fêtes gravitationnels.

Malheureusement pour lui, on ne découvrit jamais Vulcain (qui en fait n'existe pas)  et 40 ans après sa mort, cette anomalie fut expliquée  par Albert Einstein et sa célèbre théorie de la relativité générale.

Cette fois-ci, l'explication n'est pas venue d'une importante masse mystérieuse, mais plutôt d'une grande modification des lois de la gravitation de Newton.


Et l'histoire va se répéter ...

Dans les années 30, l'astronome suisse Fritz Zwicky décèle une autre anomalie, située cette fois-ci bien plus loin, au delà du système solaire, au sein d'un amas de galaxies: la masse totale observée de toutes les étoiles de toutes ces galaxies est 100 fois plus faible qu'elle ne le devrait. Il manque beaucoup de matière.


D'autres astronomes remarqueront ensuite que dans la plupart des galaxies, les étoiles ne tournent pas à la bonne vitesse autour de leur centre galactique.

En effet, alors que le bon sens et les lois de Kepler voudraient que dans une galaxie, et sous peine d'être rapidement éjectée dans le vide inter-galactique, une étoile lointaine tourne bien moins vite qu'une étoile proche autour du centre galactique, celles-ci se permettent en réalité de tourner sensiblement à la même vitesse que les autres, comme si quelque chose les retenait, les empêchait d'aller irrémédiablement se perdre dans le vide spatial. La courbe de rotation exprimant la vitesse en fonction de sa distance au centre galactique, est, au lieu de descendre, étonnement plate, horizontale.



A l'instar d'Urbain Le Verrier à son époque, Zwicky et ses collègues, comme le néerlandais Jan Oort (celui du célèbre nuage de comètes lointaines qui porte son nom) ont supposé qu'il devait y avoir une autre matière, diffuse, invisible, présente en quantité phénoménale, un peu partout dans les galaxies, et autour d'elles. Une matière qu'on ne voyait pas mais dont on observait pourtant les effets. La matière noire (Dark Matter (DM) en anglais) était née.

Mais à l'époque, on avait d'autres chats cosmologiques à fouetter: le Big Bang, la formation des étoiles, les super-novas, les quasars, pulsars, etc... et on mit donc la matière noire de côté.

Mécanique quantique, satellites, et simulations numériques par ordinateur à la rescousse

Arrivent les années 60 puis surtout 70, 80, 90 avec les premiers satellites dédiés à l'observation du ciel profond dans les longueurs d'onde non visibles et les premiers ordinateurs auxquels on demande des simulations numériques toujours plus poussées.

Ces dernières montrent rapidement qu'avec la matière ordinaire (baryons), sans matière noire, et de par les interactions gravitationnelles, les galaxies n'auraient pas la forme qu'on leur connait.

A l'inverse, si les galaxies sont fortement chargées en matière noire comme beaucoup le pensent, leur forme est stabilisée dans le temps, et devient conforme aux observations.

Par ailleurs, dès 1975, les premières simulations numériques du Big Bang, cette fois au niveau atomique, montrent que la matière ordinaire baryonique, qui réagit trop facilement avec les photons, ne peut pas fabriquer les galaxies, sans la présence d'une autre matière complètement différente: une matière noire non baryonique dite exotique. La matière ordinaire, celle qui compose le monde visible qu'on connaît ne ferait au maximum que 5% de l'univers total.

Vint ensuite l'étude statistique de milliers de lentilles gravitationnelles, ces arcs de lumière créés par la présence d'objets massifs le long des parcours lumineux. Elle permit d'élaborer les premières cartes supposées de la matière noire de l'univers, souvent située à proximité de la matière habituelle visible. La matière noire semble organisée en filaments à l'intersection desquels figurent les galaxies et amas de galaxies.

Ci-contre en bleu: la matière noire (si elle existe vraiment) recalculée d'après les lentilles gravitationnelles.

Mais de quelle matière pourrait-donc être faite cette Dark Matter, invisible, et qui réagit si peu avec le monde visible (mêmes avec les baryons & les ondes électromagnétiques), d'où d'ailleurs son nom de Wimp ?

La période de doute et une possible vision différente du "Mond"....

Parmi une trentaine de candidats au Wimp, le neutralino, cette particule ultra légère sortie tout droit de la théorie super symétrique, semble être la particule la plus apte actuellement à remporter le titre de particule de matière noire.

Mais le neutralino n'a jamais été détecté et reste à ce jour complètement hypothétique. Peut être subira-t-il le même sort que le neutrino, autrefois également candidat, mais finalement écarté car bien trop léger ?


De plus, à l'instar du décalage de 43 secondes d'arc par siècle du périhélie de Mercure, finalement expliqué par un changement profond de la théorie de la gravitation, et non pas par une masse manquante, certains aujourd'hui proposent une alternative à l'existence de la matière noire: ils proposent de modifier à nouveau la théorie de la gravitation à grande échelle, pour les faibles accélérations, c'est la théorie Mond (Modified Newtonian Dynamics). Cette alternative avait déjà été timidement évoquée au milieu du 20e siècle, puis abandonnée car trop tabu pour l'époque.

La théorie Mond propose pour les faibles champs de remplacer la décroissance classique newtonienne 1/r^2 par une décroissance en 1/r^ 1,5, et permet, sans faire appel à la matière noire (ou très peu...) d'expliquer certaines anomalies comme l'horizontalité des courbes de rotation des étoiles dans une galaxie. Mais elle n'explique pas toutes les anomalies constatées, comme par exemple les lentilles gravitationnelles, pourtant réellement observées.

Une conclusion à la Confucius

Pour finir sa leçon inaugurale, Françoise Combes cite Confucius; Attraper un chat noir dans l'obscurité de la nuit est la chose la plus difficile qui soit. Surtout s'il n'y a pas de chat.

Telle pourrait être en effet le destin des physiciens de la matière noire aujourd'hui. On en saura de toute façon davantage à l'avenir avec la mise en service de nouveaux détecteurs de particules plus sensibles que jamais. En somme, l'infiniment petit au secours de l'infiniment grand.

Pour revoir la leçon inaugurale de Françoise Combes, cliquer ici.

mercredi 14 janvier 2015

Calendrier Canada-France-Hawaii-Telescope 2015

canada france hawaii telescope
Chaque année, le télescope Canada-France-Hawaii (CFHT) produit un superbe calendrier à partir de quelques unes de ses plus belles photographies du ciel profond.

Et ce calendrier peut être acheté en ligne pour une quinzaine d'euros sur les sites suivants:

* Pour les USA & Canada
* Pour la France: Maison de l'astronomie

ou bien:
sur la Clédesétoiles

* Pour l'Europe: Coelum (en italien)

Remarque concernant la Polynésie (territoire français): les sites français ci-dessus (Maison de l'astronomie et Clé des étoiles) ne font aucune expédition en Polynésie.

Le site italien (Coelum), lui, expédie sans problème un calendrier n'importe où en Polynésie, même au fin fond des Tuamotu ou des Australes. 

Cherchez l'erreur....et ne pas hésiter à traiter plutôt avec lui.



Aucun problème pour commander le calendrier CFHT et le faire livrer en Polynésie avec le site italien Coelum
(la langue italienne ressemble suffisamment au français pour qu'on puisse commander)



Problème insurmontable en revanche pour 
le site de la maison de l'Astronomie à Paris.


Comme le CFHT , d'un diamètre de 3m60, fût le tout premier (dans les années 1970) à s'installer sur le volcan Mauna Kea, situé sur l'île de Big Island à Hawaii, il s'est mis au meilleur endroit de la montagne sacrée, donc sur un meilleur site que les télescopes qui l'ont suivi par la suite, comme les fameux jumeaux Keck de 10m de diamètre.

Il est géré par la France, le Canada, et l'Université de Hawaii, avec une équipe dirigeante tournante.

Une webcam est installée sur le site et permet de le voir en permanence:



En 2009, le directeur d'alors, Christian Veillet, était venu en Polynésie, et notamment à Raiatea, pour faire quelques passionnantes conférences. Il est aujourd'hui directeur du Large Binocular telescope en Arizona (une sorte de paire de jumelles géantes de  8,4m de diamètre...



A comparer avec le vénérable CFHT ci-dessous, équipé tout de même d'une caméra de 340 millions de pixels...




canada france hawaii telescope


Mai 2015: la nébuleuse Dumbbell (M27), magistralement revisitée par le CFHT
Distance: 1360 al
C'est le reste de l'explosion d'une étoile il y a 10 000 ans
(cliquer pour agrandir)


mardi 13 janvier 2015

C/2014 Q2: la comète Lovejoy devient enfin visible à l'oeil nu

Un peu de poésie dans un monde de brutes




L'astronome informaticien australien Terry Lovejoy a découvert en août dernier une nouvelle comète qui porte donc son joli nom. C'est la cinquième comète qu'il découvre ainsi dans l'outback australien avec son télescope Schimdt-Cassegrain de seulement 20 cm de diamètre.



Le nom scientifique de cette comète est  C2014 Q2 et actuellement, elle devient enfin visible à l'oeil nu, du côté de la constellation d'Orion.



Elle passera tout près des Pléïades tout au long du mois de janvier 2015....




et viendra tangenter le Soleil le 30 janvier prochain, à 193 millions de km.

Vue depuis la Terre, son éclat sera maximal mi- janvier (magnitude 4,8 environ )




Bien qu'elle soit théoriquement visible à l'oeil nu dans un ciel bien noir, une paire de jumelles n'est quand même pas superflue pour être certain de bien la repérer dans le ciel nocturne.


La prochaine fois qu'elle reviendra nous voir ? (et donc qu'on pourra à nouveau l'observer  ?) 

Dans environ 8000 ans.

Comment seront la Terre et ses occupants à ce moment là  ?!?




mardi 30 décembre 2014

Le 4 janvier 2015: tout le monde en apesanteur ?

Dernière rumeur en date sur le web:

... suite à l'alignement Terre-Jupiter-Pluton qui se produira le 4 janvier 2015 à 9h47 PST: la force de gravitation à la surface de la Terre diminuerait sensiblement pendant 5 minutes et on serait alors tous brièvement en état d'apesanteur...


Déjà, il faut savoir que PST signifie Pacifique Standard Time, et que cela équivaut à TU - 8h

Donc à l'heure de Paris; ce serait de 18h47 à 18h52 ce dimanche 4 janvier
A Tahiti (TU-10): de 7h47 à 7h52, toujours ce 4 janvier

Ouaahh...ça serait chouette quand même.

4 janvier 2015 apesanteur


Espérons que la fève de la galette des rois de ce dimanche n'ira pas lamentablement flotter dans toute la maison, et que la jolie couronne en papier doré ne décoiffera pas la toute dernière Reine fraîchement désignée.

4 janvier 2015 apesanteur
Malheureusement, cette" info" - qui figure d'ailleurs parmi les poissons d'avril de la BBC en 1976 - est à mettre dans le même panier que les précédentes:

* 21 décembre 2012: la soit-disant fin du monde
* 27 août 2003 -2004 ...2014 etc: Mars serait aussi grosse dans le ciel que la Lune
* Du 21 au 23 décembre 2014:  3 jours d'obscurité (soit-disant confirmé par la Nasa)

Pour ce 4 janvier, l'info serait là aussi confirmée par la Nasa, car elle a envoyé un gazouillis !

4 janvier 2015 apesanteur


Chouette, la "Nasa" (Nouvelle Agence de tous les Simples d'esprit de l'Année) a confirmé, on est rassurés, c'est surement vrai alors...


Vérifions quand même ce fameux alignement planétaire Terre-Jupiter-Pluton

N'importe quel logiciel d'astronomie permet de constater qu'hélas, c'est bidon: il n'y aura aucun alignement planétaire Jupiter - Terre - Pluton ce 4 janvier 2015:

alignement planétaire
Mince: aucun alignement planétaire entre Jupiter, la Terre, et Pluton ce 4 janvier 2015


Et même s'il y en avait un, quel en serait l'impact gravitationnel ?

Pluton, qui n'est d'ailleurs depuis 2006 même plus une planète à part entière, mais une simple planète naine tellement elle est petite, est 7,6 fois plus éloignée de la Terre que Jupiter, et sa masse est 136 000 fois plus petite.

La force de gravitation qu'elle exerce sur nous est donc environ 136 000 x 7,6² = 8 millions de fois plus faible que celle qu'exerce sur nous Jupiter. Laquelle est d'ailleurs 123 fois plus faible que la force de gravitation due à la Lune et ressentie sur Terre.

Gravité lunaire elle même 177 fois plus faible que l'attraction solaire qui, notamment, tient la Terre sur son orbite.

Bref, demander à Pluton  d'avoir un réel impact gravitationnel sur nous, c'est comme demander à un bébé mollusque de changer la trajectoire d'une énorme baleine à bosses adulte lancée à 20 noeuds sous prétexte qu'il gesticule mollement sur sa nageoire caudale.

Mais alors que va-t-il se passer ce 4 janvier 2015 ?


4 janvier 2015 apesanteur



Ben rien.

Au niveau astronomique rien du tout. Sauf peut être le passage du petit astéroïde de 29 m de long 2014 YP 34 (donc immatriculé dans l'Hérault...? ), qui passera nous voir à 8,8 fois la distance Terre-Lune , et ce, dans l'assurance d'une intense indifférence générale.


Mais alors quel est le but de toutes ces conneries intox ?

Dès l'annonce de l'info de l'apesanteur du 4 janvier 2015, plus d'un million de facebookers l'ont aussitôt rediffusé dans la même matinée, sans trop se poser de questions. Tout comme l'histoire de Mars qui deviendrait subitement dans le ciel aussi grosse que la Lune, et ce chaque 27 août depuis 2003.

Quelques jours avant les 3 fameux jours de soit-disant obscurité totale du 21 au 23 décembre dernier, plusieurs élèves de terminale m'ont même posé la question. Ils avaient probablement eux aussi rediffusé l'info sur leur compte facebook.

On peut imaginer qu'en fin de soirée un peu trop arrosée,  quelques individus imbibés aient cherché à tout prix à faire un buzz mondial, pariant sur la naïveté et l'ignorance scientifique d'une grande partie de la population mondiale. Et ce, juste pour le fun.

Et peut être aussi quand même pour les revenus publicitaires qui iraient avec le trafic généré. Pas bien méchant donc.

Pour Pluton, c'était facile: en juillet prochain la sonde américaine New Horizons va s'approcher d'elle et ce sera une première mondiale. On aura enfin des photos, des vidéos, et des analyses faites à courte distance.

Ci-contre :un image d'artiste de Pluton, de son principal satellite Charon, et du Soleil, à 5,9 milliards de km.

Le soit-disant alignement Terre-Jupiter (plus grosse planète du système solaire)- Pluton (très médiatique dans les prochains mois) a été choisi en ce sens.

Mais, et si c'était malheureusement autre chose que simplement pour le fun et les revenus publicitaires ?

4 janvier 2015 apesanteur
La liste des tous les moutons de Panurge de facebook, twitter etc.. qui diffusent chaque fois et sans sourciller ce genre d'infos plus stupides les unes que les autres a probablement été compilée pour être ensuite revendue aux sociétés publicitaires, aux instituts de sondage, aux partis politiques, aux médias ou aux agences gouvernementales de façon à améliorer l'algorithme du type "faisons croire aux armes de destruction massive en Irak".

L'école (au sens large) instruisant volontairement ou non de moins en moins, et les réseaux sociaux devenant chaque jour plus influents, ces fichiers constituent aujourd'hui une manne importante pour ceux qui les possèdent, les entretiennent les analysent et les revendent.

On tondrait donc les moutons du web et on revendrait leur laine  plusieurs fois par an sans même qu'ils s'en rendent compte et la voient tomber ?

Mais hélas, il n'y a hélas pas de chute sans gravité.

samedi 15 novembre 2014

Rosetta: si seulement Philae avait une pile nucléaire


.. au lieu de panneaux solaires...

On a tous suivi cette semaine les fabuleuses aventures de l'orbiteur européen Rosetta et de son désormais célèbre petit atterrisseur Philae, qui a réussi l'exploit que l'agence spatiale européenne (ESA) lui avait demandé: se poser sur la comète 67P Churyumov-Gerasimenko (alias Chury pour les intimes)

Un peu d'histoire

Découverte en 1969 par deux ukrainiens comme étant la 67ème comète périodique repérée à l'époque (d'où le 67P), cette comète tourne autour du Soleil en à peu près 6 ans et demi, et depuis août dernier, elle est accompagnée de la sonde européenne Rosetta.

Jusqu'à la semaine dernière, Rosetta tenait sur ses flancs le robot Philae.

Rosetta et Philae, ont été conçus il y a 20 ans, et devaient au début atteindre une autre comète, nommée Wirtanen.

Rosetta a finalement été lancée en 2004 par une fusée Ariane 5 depuis Kourou, et pour ne pas dépenser trop d'énergie, elle a suivi un long périple gravitationnel de 10 ans et 6 milliards de km (soit la distance Terre-Pluton !) pour atteindre enfin 67P Churyumov-Gerasimenko l'été dernier.


C'est donc avec la technologie d'il y a 20 ans que ces deux engins spatiaux viennent ausculter Chury, qui pendant tout ce temps là, aura d'ailleurs tranquillement pu faire trois révolutions autour du Soleil .

Chury -  et ses deux nouveaux amis - passeront au plus près du Soleil le 13 août prochain, mais ils en seront quand même à ce moment là distants de 180 millions de km, donc plus que la distance moyenne Soleil-Terre (150 millions de km)

Le but de l'opération: forer pour la première fois l'intérieur d'une comète afin de l'analyser, chercher d'éventuelles molécules organiques complexes, et observer in situ son dégazage. Cela doit notamment permettre d'avancer dans la recherche de l'apparition de la vie sur Terre.




Son coût: 1,3 milliard d'€, soit environ un onzième de celui du scandale du Crédit Lyonnais, pour lequel la France (et donc les contribuables français) devra encore en décembre prochain emprunter sur les marchés 4,5 milliards d'€ afin de solder définitivement cette sombre et pitoyable histoire...

On pourrait également citer Executive Life, l'amende de BNP Paribas envers les USA, etc...

Donc Rosetta, c'est pas si cher finalement.



12 novembre 2014: rebonds et rebondissements

A l'heure convenue ce mercredi 12 novembre 2014, Philae se détache de Rosetta en direction du site choisi - récemment appelé Agilkia -, et uniquement sous l'effet de la gravitation et des lois de la mécanique magistralement domestiquées par le CNES: le Centre National d'Etudes Spatiales, il touche Chury dans le périmètre calculé. C'est un exploit. Une première mondiale. Une date historique pour le spatial, n'en doutons pas.




Malheureusement, Philae rebondit aussitôt et, au bout de plusieurs heures et rebonds, finit par s'immobiliser à plus d'un kilomètre de là (la comète ne mesure que 4 km sur 5 km environ), au pied d'une falaise, avec un pied en l'air, et dans un endroit peu éclairé par le Soleil.

Photo ci-contre: en rouge le premier posé, où Philae aurait dû rester, et en bleu, le périmètre où il se trouve désormais.




Du coup, sa première batterie ayant épuisé ses 60h d'autonomie, le petit robot n'a plus assez d'énergie pour fonctionner et, après avoir heureusement quand même pu envoyer les quelques données récoltées jusque là, Philae se met en état d'hibernation,

En effet, et faute de l'ensoleillement prévu, sa seconde batterie ne pourra pas être rechargée par ses panneaux solaires et Philae va donc rester endormi pendant .... un certain temps...

Pourtant le mieux situé puisque sur déjà place et en contact direct avec la comète, il ne verra donc rien du réveil progressif de Chury, au fur et à mesure qu'elle se rapprochera du Soleil. Seule Rosetta sera apte à le faire.

"On va attendre l'été"...

Dans quelques jours ou semaines, les scientifiques auront analysé les données envoyées in-extremis par Philae avant son hibernation et après quelques calculs géométriques,  on saura enfin quand Philae pourra peut être se réveiller, à condition d'obtenir un meilleur ensoleillement que celui qu'il connaît aujourd'hui. 

Dans plusieurs mois.probablement. D'après l'ESA, "on va attendre l'été".



D'ici là, il y a tout de même un risque important pour que le dégazage de Chury, déjà effectif depuis plusieurs semaines, se soit intensifié au point de d'altérer les panneaux solaires de Philae ou même carrément de l'expulser dans l'espace. En août dernier, Chury possédait déjà une chevelure de plus de 19 000 km, comme l'a montré le VLT , le Very Large Telescope européen situé au Chili.

Dégazage de Chury en octobre 2014 (photo prise par Rosetta)

Même si Philae, qui a tout de même réussi l'exploit de se poser sur Chury et a fait 80% de sa feuille de route, ne représente que 20% de la totalité de la mission Rosetta, laquelle fonctionne encore parfaitement alors que la comète se rapproche chaque jour un peu plus du Soleil, cette histoire de panneaux solaires insuffisamment éclairés laisse un sentiment mitigé. Une légère petite frustration dans l'enthousiaste fan club de Philae.

Encore une fois, bravo à l'ESA pour le travail accompli, mais...pourquoi ne pas avoir tout simplement équipé Philae d'une petite pile nucléaire du type RTG (Générateur Thermoélectrique à Radioisotope) à l'instar de tant d'autres sondes spatiales (Voyager, Curiosity, Cassini Huygens, Galileo, New Horizons, Deep space, et même les missions Apollo,..) ?
Et pourquoi avoir choisi uniquement l'assistance gravitationnelle pour que Rosetta atteigne Chury en 10 ans alors qu'avec les moyens classiques (comme Curiosity sur Mars), moins d'un an aurait été nécessaire ?

En 20 ans, la technologie a tellement évolué que les caméras des meilleurs smartphones d'aujourd'hui ont une meilleure définition que celles qui équipent Philae...




Une sorte d'intégrisme écolo ?

Le choix des panneaux solaires pour Philae a probablement été guidé par le refus d'utiliser une pile nucléaire, même si ce dispositif très simple et très fiable et quasi-inépuisable à base d'une substance chauffante radioactive et de thermocouples fabriquant l'électricité et à mille lieux d'une centrale nucléaire basée sur une réaction en chaîne, bien plus complexe à maîtriser.

Airbus Defense and Space (ex Astrium) avait d'ailleurs bien insisté sur le fait que c'était "la première sonde spatiale moderne à aller aussi loin sans pile nucléaire".

Le principal risque évoqué pour une sonde spatiale RTG est celui d'une éventuelle explosion de la fusée au décollage.

Mais dans ces conditions, que dire alors de tous les satellites espions dotés de cette technologie et envoyés régulièrement par toutes les puissances spatiales du monde depuis de très nombreuses années ?

Même les missions Apollo en étaient dotées à l'époque.



Pourquoi le grand public (quand même plus de 340 000 fans sur son compte twitter) devrait-il se résigner à voir ce sympathique Philae s'auto-hiberner parce que ses panneaux solaires ne sont pas alimentés et qu'il manque déjà d'énergie au bout de seulement 3 jours ?



Les missions spatiales actuelles et futures. Beaucoup ont des piles RTG.


Le même phénomène se produit malheureusement désormais dans les choix technologiques de nos dirigeants pour la France en matière de production énergétique: on supprime le nucléaire pour mettre des énergies renouvelables un peu partout.

Certes, les énergies renouvelables doivent être utilisées dès que possible: barrages, usines maré-motrices, bio masse, etc... sont des sources d'énergies fiables et prévisibles  qu'il faut implanter partout où on le peut. 

Il est également indéniable que l'énergie nucléaire peut être terriblement dangereuse si elle n'est pas correctement maîtrisée.

Mais pourquoi vouloir définitivement tirer un trait dessus, sans au contraire essayer de continuer à la sécuriser davantage, alors que notre pays a acquis un savoir faire reconnu mondialement dans ce domaine, que cette énergie ne participe pas au réchauffement climatique, qu'elle subvient aux besoins du pays, qu'elle produit une des électricités les plus stables du monde en tension et en fréquence, et qu'on arrive même à en exporter ?

Pendant ce temps là, les USA ou la Chine font le choix inverse et construisent désormais des centrales nucléaires qu'ils réussiront peut être même à nous vendre le jour où nos dirigeants auront compris - mais bien trop tard - leur gigantesque erreur.

Car d'ici là, nos ingénieurs et techniciens du nucléaire seront partis à la retraite sans transmettre leur savoir faire, on achètera alors des centrales chinoises ou bien pour être certains d'avoir de l'électricité avec nos centrales solaires et toutes les polluantes centrales à charbon du coin qui assombriront chaque jour un peu plus le ciel, on fera comme pour Philae: on attendra l'été.