vendredi 20 juin 2014

Bac S métropole trop difficile: la conjecture du Cancre

Conjecture du Cancre: 

Soit C un candidat au baccalauréat. Si C trouve son sujet un peu trop difficile, alors il lui est possible de créer ou d'adhérer à une pétition sur Facebook pour contraindre l'Education Nationale à lui donner quand même une bonne note à cette épreuve.


--oOo--

En effet, le sujet de maths du bac S métropole vient de tomber et déjà, comme cela risque hélas de devenir habituel désormais, une pétition Facebook circule pour contraindre l'Education Nationale à réagir et devenir indulgente lors des corrections.

Quelques articles qui en parlent:


Source:



ou encore: 


On notera l'ignorance du journaliste en mathématiques: l'illustration classique du tableau rempli de formules (photo google) qui n'ont rien à voir avec le sujet.

Source: 



Quelques tweets d'élèves, parfois assez amusants tout de même:


Au moins cinq fautes dans ce dernier message, tout un symbole.



Avant tout, de quoi parlons-nous exactement ?

Voici le sujet qui semble fâcher, disponible en version obligatoire+spécialité sur le site de l'Apmep

dont voici les principaux extraits en images:





Un sujet correct, comme on en a vu en Polynésie, Antilles-Guyane ou en Amérique du Nord dans un passé récent. 
Pas forcément de quoi fouetter un tchat il me semble.



Pour information et éléments de comparaison, voici le sujet de mathématiques du bac S1 Afrique 2013

Histoire de remettre un peu les pendules à l'heure, voici le sujet en pdf du bac Afrique 2013 (la version 2014 n'est à ma connaissance pas encore disponible sur le web), source: www.examen.sn

Et comme pour l'autre, quelques extraits:







En plus de la différence manifeste de niveau, on remarquera que ces épreuves de baccalauréat (et non pas de maths sup) se font sans calculatrice programmable ou graphique...

Quand on sait que pratiquement 100% de la mémoire disponible des calculatrices TI-82, 83 ou autres de la plupart de nos élèves est utilisée pour des anti-sèches, l'écart de difficulté est abyssal.

Bien sûr, les élèves Africains ont conservé l'ancien programme et surtout le nombre d'heures de maths qui va avec, et la sélection pour arriver en terminale n'est pas aussi laxiste que chez nous.

Les différentes réformes de ces trente dernières années, d'ailleurs parfois initiées par des mouvements de lycéens en colère (1998 et 2005), ont fait qu'aujourd'hui, le niveau de nos lycéens en mathématiques (et également en physique)  ne peut plus rivaliser avec celui des élèves d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique du Sud.

Il ne faudra donc pas s'étonner si en France, de plus en plus de postes de techniciens, d'ingénieurs, de médecins, ou de chirurgiens  sont occupés par des jeunes venus d'ailleurs.

Voir ici un article sur l'évolution des programmes de maths entre 1971 et 2013:
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/evolution-du-programme-de-maths-en-135375


Les consignes de correction

Depuis des années déjà dans le système français, tout est mis en oeuvre pour obtenir quoiqu'il arrive un bon taux de réussite au baccalauréat:

* Instauration des TPE (Travaux Personnels Encadrés) en classes de premières générales: les points au dessus de 10 seront pris en compte coefficient 2 pour le bac de terminale. Les notes en dessous de 10 ne sont même pas comptées.

* Les options facultatives: danse, tennis de table, pirogue, etc.. elles donnent des points en plus. ce qui fait que les meilleurs candidats - il y a heureusement encore d'excellents élèves - peuvent avoir une moyenne supérieure à 20/20 au bac. Chose inimaginable auparavant.

* Dans les bulletins scolaires, où les moyennes doivent être arrondies par excès, on doit insister sur les côtés positifs, même s'ils sont parfois bien difficiles à trouver.

* Au conseil de classe de terminale, on émet un avis pour le jury du bac. Ces avis sont:
- doit faire ses preuves
- avis favorable
- avis très favorable

Le précédent avis "assez favorable" qui existait jusque là, a récemment disparu, de sorte qu'on passe la plupart du temps automatiquement à "avis favorable".

* Lors du baccalauréat, tout le monde sait que la plupart des élèves ont ces fameux programmes anti-sèches dans leurs calculatrices, lorsqu'elle est autorisée (maths, physique, svt) mais personne ne souhaite aborder le sujet.

Extrait d'un tweet:



* Les nouvelles technologies: qui va empêcher un élève de consulter internet avec son smartphone 3G lorsqu'il va aux toilettes pendant une épreuve du bac ?

* les QCM pénalisants ( une réponse fausse enlève  1/4 de point) ont tous disparu depuis quelques années.

* Fini le gros problème d'analyse sur 10 points avec barrage, il n'y a plus que des petits exercices (sur 5 points environ) qui abordent plusieurs thèmes du programme, de façon à ce que le candidat puisse forcément faire quelques questions.

* Des ROC (Restitution Organisée des Connaissances, sorte de "question de cours") ont été institués pour aider les élèves en difficultés mathématiques, mais qui apprennent sérieusement leurs leçons. Ils ont ensuite pratiquement tous disparu ces dernières années. Le Bac S métropole 2014 en contient un, qui est loin d'être le plus difficile.

* Les décisions des conseils de classe: nombreux sont les parents qui passent outre l'avis (car ce n'est qu'un avis) des conseils de classe de fin de seconde ou de première: on leur dit de ne pas aller en 1ère S ou de la redoubler pour ceux qui y sont déjà: ils décident quand même d'envoyer leur enfant dans la classe supérieure.

*  A la décharge de certains élèves: l'inverse est également vrai. C'est-à-dire que parfois, pour "remplir" des classes de première S, on y accepte ou envoie des élèves qui n'ont pas le "profil" S, si tant est qu'il existe encore.

* Lors des corrections, on demande aux correcteurs d'être indulgents: on ne sanctionne pas - ou très peu- les erreurs d'arrondis, on ne pénalise pas deux fois la même erreur (si le début est faux, le correcteur en tient compte pour la suite), on pardonne l'absence de rédaction, et toutes les erreurs qu'on sanctionne normalement le reste de l'année. A l'intérieur d'un même exercice, le jury modifie régulièrement le barème en augmentant les points des questions faciles et en réduisant ceux des questions dures.



* On ne parle bien sûr pas des nombreuses fautes d'orthographe qui peuvent exaspérer même un prof de maths.

* La note finale est arrondie par excès: si le candidat à 9,25/20, sa note passe automatiquement à 10/20

* Au jury final, tout est fait pour aider le candidat: on consulte son livret scolaire. S'il manque des points, on peut en rajouter en modifiant les notes !

* En final, pas de suspens, on arrive toujours à plus de 80% de réussite ( en 2013, il était même de 92,5%...)

Il semble également qu'à l'épreuve de français où, heureusement pour les élèves, l'orthographe ne compte plus, le sujet sur Victor Hugo ait déstabilisé beaucoup d'élèves:

Voir ici l'article de LCI

Une réaction d'élève de TL (Terminale Littéraire):

Mâtin ! quelle maîtrise de la langue française pour un TL...


Et les commentaires de quelques internautes en bas de l'article:




Après la fuite des cerveaux, la ruine de ceux qui restent.




Le rôle des médias

On sait tous que la majorité des journalistes ne connait rien aux maths, et aux disciplines scientifiques en général. D'ailleurs ne dit-on pas souvent que: "le métier de journaliste consiste à expliquer longuement aux autres ce qu'on a soi-même pas bien compris".

Imaginons un journaliste en quête des réactions d'un élève au sortir du bac. Qui va-t-il interroger ? Les tout derniers élèves à sortir à la fin de l'épreuve (en général les meilleurs), ou bien le premier cancre venu qui trouve qu'une heure à plancher, c'était déjà bien suffisant... !?

Hélas, ce sera plutôt ce dernier personnage, car le journaliste a ensuite bien autre chose à faire. Rentabilité du journal oblige.

Et ce sont les réactions de ce cancre de service qui risquent de servir d'étalon de mesure pour les articles du jour...

Ensuite, quelle opportunité pour la rédaction d'avoir une "mayonnaise à monter" autour d'une telle pétition.



En final

Tous les élèves ne sont pas à blâmer. Heureusement, il en reste encore de sérieux, motivés, capables, qui pourraient très bien réussir les bacs d'antan ou ceux d'Afrique si on leur en donnait les moyens. Ils ne font pas de pétition pour un oui ou pour un non, et peuvent d'abord se remettre en question avant d'accuser la terre entière.

Ne les oublions pas.

Ils ont bossé toute l'année et sont désorientés par un sujet qui, pour eux, sort trop de l'ordinaire. Mais le propre d'un "apprenti scientifique" n'est-il pas de chercher un peu ?...

Pour les années qui viennent: encore des pétitions de ce genre, des mouvements de lycéens en colère, des réformes, et dans dix ans, le bac S vaut un DNB d'aujourd'hui.

Leurs professeurs ne souhaitent qu'une chose, la réussite des élèves qui leur sont confiés, mais pas à n'importe quel prix.





Remarque: je mettrai en ligne sur le blog le bac Afrique 2014 dès qu'il sera disponible.

3 commentaires:

Unknown a dit…

euh je sais pas si vous avez bien compris que la critique du sujet est avant tout liée au format du sujet, tres peu guidé, beaucoup moins en tous cas que le sujet afrique 2013 que vous présentez comme si dur pour on ne sait quelle raison, ensuite biensur le sujet était parfaitement réalisable et exigible, mais c'est davantage une question de cohérence par rapport à ce à quoi on nous prépare pendant l'année

Raiatea Bac a dit…

J'aime beaucoup le "pour on ne sait quelle raison"!
Merci pour votre com.

Anonyme a dit…

je crois qu'ils n'ont même pas conscience du problème.

C'est dramatique.

C'est comme essayer de parler astronomie à une taupe.

Pierre N.